Le cancer de Suzanne : un lourd héritage familial
Suzanne était prédisposée au cancer du côlon, mais elle l’ignorait. Opérée en urgence en 1975, cette retraitée de Faches-Thumesnil, près de Lille, n’a compris que bien plus tard, au fil des progrès de la science, que sa maladie était génétique. Aujourd’hui, son petit-fils de 14 ans peut bénéficier d’un « conseil génétique ».
Il y a eu ces douleurs dans le ventre, au printemps 1975. Tellement abominables qu’elles l’empêchaient de se lever. Suzanne avait alors 35 ans. Elle a été opérée en urgence, « le chirurgien m’a sauvé la vie ». Il a retiré la multitude de tumeurs qui rongeaient son appareil digestif. Le diagnostic a été posé : polypose adénomateuse familiale. Une maladie qu’on désignait à l’époque comme héréditaire.
Sa particularité : l’accumulation de polypes dans l’appareil digestif, qui dégénèrent en cancer entre 30 et 40 ans. « Mon père, son frère, en sont décédés quand j’étais jeune. Je ne l’ai appris que bien plus tard. À l’époque, on prononçait à peine le mot cancer, même en famille. Alors, donner des détails… », confie la sexagénaire.
Un tournant en 1999
Aucun signe avant-coureur, « la maladie m’est tombée dessus ». Ses deux soeurs, ses neveux et nièces et surtout ses trois enfants ont subi des radios en express. Bilan : seule sa soeur puînée présentait des polypes. C’est tout ce que la science avait pu leur apprendre il y a trente ans.
Car, à l’époque, la maladie ne se diagnostiquait que par ses symptômes. Impossible de la déceler avant. Ses deux filles, son fils ont dû se soumettre aux radios, aux côloscopies jusqu’à la quarantaine. Pour prévenir le mal. La contrainte thérapeutique a duré jusqu’en… 2005. « Il y a deux ans, ils ont pu faire une analyse génétique. Finalement, seule ma fille aînée, Christine, est porteuse de la maladie », explique Suzanne. Seuls les porteurs du gène « malade » peuvent transmettre la polypose. Cinq de ses sept petits-enfants sont donc sains. Finies les radios et côloscopies systématiques. Mais il a fallu attendre 1999 pour oser cette conclusion : ce n’est qu’à cette date que la recherche a trouvé l’anomalie génétique de Suzanne. Une anomalie comme les centaines de celles qui seraient à l’origine de 5 % des cancers du sein ou du colon.
Suzanne a dû être réopérée en 1995. Une opération lourde, invalidante. Elle a choisi de ne pas se plaindre, de s’engager dans une association de malades de polypose, dont elle est la correspondante régionale. Sa fille aînée est régulièrement suivie. Le fils de cette dernière, 18 ans, a subi les analyses génétiques : il est sain. Reste son frère de 14 ans qui devrait bientôt bénéficier de la consultation de génétique clinique du CHR. Avec ce dernier résultat s’arrêtera peut-être le lourd tribut que la famille a déjà payé à ses gènes. • M. VDK.

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